Des mômes à la Horde.

Elle peste contre son frère, ce foutu abruti prêt à aller se faire décapiter pour que dalle. Foutu Manu, foutu crétin ! Et elle qui doit jouer à la garde chiards en attendant que la rousse daigne pointer le bout de son museau. Des mômes à la Horde Sanguinaire, on aura tout vu ! Elle jette un regard en arrière, froide et passablement énervée. Deux gosses en plus, comme si un ne suffisait pas. Et ils en font du bruit ces trolls, pas possible ça ! James et Eilidh, trois et quatre ans, l’un est le fils de son frère, l’autre est la fille adoptive de celui-ci. Humpf, Manu, t’es vraiment pas possible, comme si tu ne laissais pas déjà assez d’enfants derrière toi, voilà qu’il faut que t’en ramasses dans la rue aussi. Tssss, depuis quand les MacDowell font dans le caritatif ? Prends exemple sur Sawyer un peu, lui ne s’embarrasse pas de tels liens.

Allez magnez-vous, j’ai pas qu’ça à faire.

Elle presse le pas, secondée des deux enfants qui rient aux éclats. Pauvres fous, si vous saviez dans quel endroit vous êtes tombés. C’est vrai quoi, quelle idée de lui confier des enfants alors que c’est une Sanguinaire ? Avant, elle avait déjà un comportement autodestructeur mais maintenant qu’elle vit dans la structure adaptée à son caractère, c’est pire. De plus, tous les habitants du domaine de Nauzhror font dans le macabre. Pas un endroit pour des enfants, non, pas du tout. Maintenant, elle peste contre elle-même. Pourquoi a-t-elle accepté de rendre service à son barbu de frère ? Idiote, la prochaine fois tu tourneras sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler !

Un soupir résigné s’échappe de ses lèvres lorsqu’elle arrive enfin devant la porte de ses appartements. Elle a accepté parce que son frère lui a confié qu’il ne pouvait pas compter sur ses « amis » pour garder ses enfants. Tous avaient refusé prétextant un trop plein de responsabilités, un agenda surchargé ou des difficultés liées à la guerre. Seule Kelyane avait accepté mais la timide rouquine habitait à l’autre bout du royaume et Manu ne pouvait pas s’y rendre. Sarah, toujours en vadrouille avait accepté d’héberger les petits jusqu’à ce que la rousse et son époux finissent par arriver. Ouais ben z’ont pas intérêt à mettre trop longtemps sinon dehors les gosses ! Elle grimace, non, bien sûr qu’elle ne les mettra pas à la porte. Le sang des siens coule dans les veines de James et la petite lui rappelle bien trop sa défunte fille.

La main sur la poignée de la porte, elle observe les deux petits avec attention. Nouveau soupir. Reverront-ils leur père ? Elle connaît son frère assez bien pour savoir qu’il y a en lui une part d’ombre qui ne demande qu’à ressurgir, dévastant tout ce qu’il y a de bon en lui. Il ne lui a pas tout dit, elle le sait. Alors elle a mené sa petite enquête, pas par curiosité mais parce que c’est son devoir de veiller sur lui, de le protéger. Lacienda, cette chienne de noble est partie en amenant leur fille. ‘Fin leur fille, faut quand même rappeler qu’elle n’est pas la vraie mère de la petite et qu’elle n’a eu la garde que parce que la mère était trop jeune, trop immature, pour assumer. Résultat qui c’est qui prend ? Son frère. Il ne pourra pas revoir sa fille, surprotégée par une armée de nobles bardés de fer. L’histoire se répète pour lui. Elle se fout des détails tout comme elle se moque bien de savoir comment l’argent de Lacienda et de son mari les aidera pour élever la petite. C’est l’enfant de Manu, pas la leur. Ils en veulent une ? Bah la femme écarte les pattes et hop ! Peu importe comment s’est déroulée cette sombre affaire, peu importe les arguments avancés, seule la conclusion compte. Son frère a renoué avec ses vieux démons, mêlant luxure et alcool à outrance. Sans oublier les combats. Elle sait qu’elle n’a pas à le juger sur ce point parce qu’elle aussi elle vole, elle aussi elle tue.

Mais elle ne comprend pas, elle n’arrive pas à comprendre pourquoi est-ce qu’il renonce. Pourquoi est-ce qu’il va de lui-même sur le champ de bataille pour servir de pion à l’un des deux camps. Lequel ? Elle a oublié, paraît qu’il a tiré à pile ou face. Oui, il souffre, oui sa fille lui manque. Mais il lui reste son fils et Eilidh, il n’a pas tout perdu. Bordel, Manu, pourquoi ne te bats-tu pas pour ta fille ?! A l’annonce de sa participation à la guerre et de son choix concernant ses enfants, elle l’a giflé. Renoncer ? Depuis quand étaient-ils des lâches dans la famille ? Elle a essayé de le convaincre, de lui faire voir qu’il avait beaucoup à perdre dans cette guerre. Ses enfants, sa vie, sa famille. Il n’a rien voulu entendre. Alors elle l’a laissé partir parce qu’elle sait qu’elle-même n’aurait jamais écouté ses conseils mais hors de questions qu’elle le lâche. Elle gardera toujours un œil sur lui, elle agira dans l’ombre mais elle ne le laissera pas mourir pour une guerre qui n’est pas la sienne… Retour au présent. Les enfants attendent sans broncher qu’elle se décide à ouvrir la porte. Elle les toise de toute sa hauteur, dure et sévère.

J’vous préviens, ici, c’est chez moi et j’aime pas qu’on touche à mes affaires. Z’avez intérêt d’être sages.

La porte découvre une pièce plutôt vaste mais dénuée de toute décoration. Des armes sont rangées dans un coin de la pièce, des cartes étalées sur le sol, un livre en cours d’étude trône sur le lit et une armoire aux couleurs de la Horde s’appuie sur le mur du fond. La sauvageonne referme la porte derrière eux et range les cartes ainsi que le livre dans une petite besace qu’elle fourre dans l’armoire. A peine a-t-elle refermé la porte que déjà elle entend une phrase qui ne lui plait pas.

Eh on échange, je veux l’épée moa.

Un grondement sourd s’échappe de la gorge de la brune lorsqu’elle fait volte-face. Furieuse, elle reprend les armes des mains des enfants.

Touchez pas à ça, sales morveux.

Elle récupère son épée ainsi que ses poignards qui vont rejoindre ses affaires dans l’armoire. De nouveau, elle se tourne vers les enfants, profondément énervée. Elle s’apprête à leur hurler dessus, prévoyant déjà de jolies menaces qui pourraient dissuader même les guerriers les plus aguerris lorsqu’elle croise le regard de la petite Eilidh. Des grands yeux noisette emplis de malice et pour le moment interrogateurs. Perplexe, elle s’accroupit pour se mettre à la hauteur des enfants et effleure du bout des doigts la joue de la petite. La ressemblance avec sa fille est frappante, même regard pénétrant, mêmes cheveux caramels, même peau. Même âge. Un instant la Sanguinaire ferme les yeux, en proie à une nostalgie et un chagrin intense. Deux ans que sa fille est morte et pourtant elle lui manque toujours autant.

Lorsqu’elle se décide à se relever, ses yeux ne reflètent plus la moindre colère. Elle a besoin de prendre l’air, de sortir un peu. De déambuler dans les ruelles sombres de Paris, à la recherche d’un homme à qui faire payer la douleur fantôme qui ne la quitte plus depuis maintenant deux ans. Deux longues années… Elle secoue la tête, serre les poings et se force à regarder à nouveau les enfants. Elle n’est plus énervée mais pour leur sécurité, il faut qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas les bienvenus ici, qu’ils ne sont pas entourés de tendres et que le moindre faux pas pourrait leur coûter cher. Un rictus se dessine sur ses lèvres à cette pensée. Le premier qui touche aux mômes tâtera de son épée. Mais elle n’est pas tranquille, elle sait qu’elle n’arriverait pas à s’en sortir si jamais la Horde décidait la mise à mort des enfants. Mieux vaut être discret donc.

Ecoutez-moi bien vous deux : interdiction de sortir de la chambre et vous avez tout intérêt à rester silencieux. Ne touchez pas à mes affaires et n’ouvrez pas la porte. Vous allez rester sagement ici en attendant que je revienne. Si j’apprends que l’un de vous a désobéi, et croyez-moi, je le saurai, ça ira très mal pour son derrière.

Elle attend que les deux enfants acquiescent avant de tourner les talons. Elle ouvre la porte et…

... se retrouve nez à nez avec la brune ...

Au départ Auxane qui avait sa chambre juste à côté de celle de Sarah était venue la voir pour lui proposer de terminer la visite. Mais là, lui arrivant quasi nez à nez l'idée s'était envolée, pchtttt disparu. C'était la deuxième fois qu'elle voyait la brune de s'y près bon malgré que la première fois l'ambiance était un peu électrique, espérant que cette fois ci ça soit un peu plus calme.

- Tiens c'était toi que je voulais voir, oui je sais logique que je te trouve ici puisque que c'est chez toi !

La belle entendait des petits bruits qui attira son attention, elle se mit sur la pointe des pieds pour essayer de voir par dessus l'épaule de Sarah en essayant d'être le plus naturel possible bien entendu. Difficile de voir quelque chose dans ces conditions nom d'un chien avec des puces elle voulait même lui demander de se pousser mais cela aurait été risquer comme si la brune allait bouger ces fesses du milieu pour la laisser fouiller.

Elle pose instinctivement la main sur le manche de son poignard lorsqu’elle se retrouve nez à nez avec la nattée. Faut pas croire, elle ne la déteste pas mais elle n’est pas une grande habituée des rapports amicaux. Toujours sur ses gardes, toujours prête à défendre sa vie, elle n’arrive pas à faire confiance. Peut-être qu’ici, à Nauzhror, entourée d’hommes et de femmes aussi sombres et dangereux qu’elle, elle finira par baisser sa garde mais pour l’instant, elle en est loin. Elle arque un sourcil interrogateur lorsqu’Auxane prend la parole : drôles d’explications, ça sent le coup fourré. Elle étouffe un grognement alors que son « invitée » se dresse sur la pointe des pieds et tente de regarder à l’intérieur de la chambre. Sans tergiverser plus que ça, la brune claque la porte en bois massif et jette un regard noir à Auxane.

J’aime pas qu’on m’cherche des noises, ce qu’il y a dans ma piaule ne regarde que moi, vu ?

Ne lui laissant pas le temps de répondre, elle s’éloigne de la porte. Et, alors qu’elle n’a même pas fait trois pas, elle se retourne. Elle regarde longuement sa collègue et pousse un soupir de résignation, tant pis pour la balade en solitaire : maintenant elle vit parmi les Sanguinaires alors mieux vaut éviter de se mettre tout le monde à dos. Etre fidèle à la Horde c’est bien, savoir qu’on a des alliés au sein des Sanguinaires, c’est mieux. Elle esquisse un mince sourire en direction de la brune qui lui fait face avant de désigner d’un vague mouvement de la main l’extérieur.

J’pensais aller m’balader à la Cour des Miracles, t’veux v’nir ?

Eh dis, et nous, on peut viniiir ?

La Sanguinaire sursaute, stupéfaite. Non mais c’est pas possible, ça, y a un langage secret pour parler aux gosses ? Heureusement qu’elle avait dit de pas se faire remarquer, hein. Ses yeux rivés à ceux d’Auxane, elle fléchit imperceptiblement les genoux et dégaine son poignard, prête à se battre. Elle ne sait pas comment va réagir la nattée en voyant les enfants, elle ne la connaît pas et jamais elle ne risquerait la vie des enfants. Son frère les lui a confiés, il a confiance en elle, jamais elle ne faillira. Elle sait très bien que même s’il est fort probable qu’elle arrive à avoir le dessus sur la brune, il n’en sera pas de même avec les autres. Question de nombre et de connaissance des lieux. Elle ne fera pas le poids face à tous les Sanguinaires et leur connaissance du terrain les avantage largement. Putain, fait chier ! Elle se fout de perdre la vie en combattant mais aujourd’hui deux vies de plus sont en jeu, deux vies innocentes qui dépendent d’elle. Les dents serrées, ses doigts crispés sur son poignard et les yeux toujours scotchés à Auxane, elle s’adresse aux enfants qui ont entrebâillé la porte de la chambre.

Retournez dans la chambre. Tout de suite.

Sa voix est tranchante comme la lame de ses armes, son ton froid comme la mort. La porte se referme sur les enfants et elle se retrouve seule face à Auxane. Elle ne sait pas quelle décision celle-ci va prendre mais elle est parée pour toutes les éventualités, même la plus douloureuse. Demander la permission au rodeur pour laisser entrer les enfants ne lui a même pas effleuré l’esprit. D’une part parce qu’elle n’en a pas eu l’occasion, d’autre part –et ça reste la raison principale- parce qu’elle part du principe qu’elle fait ce qu’elle veut, qu’elle n’a de comptes à rendre à personne. Il est possible qu’aujourd’hui elle paye pour son impétuosité mais ce ne sera pas sans se battre. Tout dépend d’Auxane…

Sur la défensive, elle est à l’affut du moindre mouvement d’Auxane, elle a entendu la porte se refermer sur les enfants et elle crève d’envie de regarder si elle est réellement fermée, juste histoire de vérifier que les mômes sont en sécurité pour l’instant. Mais elle connaît les tactiques du combat rapproché. Ne jamais lâcher son adversaire des yeux, sous aucun prétexte. La moindre seconde d’inattention pourrait lui coûter la vie et, par la suite, la vie des enfants. Dents serrées, genoux légèrement fléchis et dague dégainée, elle est prête à se défendre mais incertaine du déroulement des combats.

Elle réfléchit à toute vitesse. Si elle tue Auxane, elle devra faire vite, prendre les mômes avec elle et filer le plus loin possible et surtout le plus vite possible du domaine. Elle n’aime pas partir sans combattre, surtout qu’elle n’a pas peur de la mort, allant même jusqu’à jouer avec elle, la provoquant sans cesse. Mais aujourd’hui c’est différent, elle ne peut pas mettre la vie des enfants en péril par orgueil, elle jouera avec sa vie une autre fois. Reprenant le cours de sa stratégie, elle se voit courir dans le domaine, secondée des deux gamins. Leurs chances de survie sont plutôt minces mais pas nulles.

Elle sursaute presque à la réponse de la nattée. Elle ne s’attendait pas à ça. Vraiment pas. Chieuse et méfiante jusqu’au bout, elle la détaille de pied en cap. Non, décidément rien dans ses paroles ou dans son attitude ne laisse deviner qu’elle essaye de la duper. La brune lâche un soupir de soulagement, gardant dans un coin de sa caboche les plans déjà échafaudés au cas où elle se serait finalement trompée sur l’analyse de la réaction d’Auxane. Ses épaules se relâchent, elle se redresse sur ses jambes et adresse un long regard à sa collègue Sanguinaire. Pensive, elle se demande ce qu’elle peut lui dire ou non puis, haussant les épaules, elle s’avance vers la porte de sa chambre et la rouvre. S’adressant aux enfants, elle lance :

Sortez de là, bande de sales morveux désobéissants !

Elle reste tout de même entre les enfants et Auxane surtout que cette dernière a la main sur son poignard. Prudence est mère de sureté comme on dit… Elle adresse un mince sourire à la femme qui lui fait face avant de désigner les mômes d’un bref mouvement de la main. Elle sait que rien ne l’oblige à se confier mais elle a envie de parler des circonstances qui ont fait qu’elle a amené des enfants ici, au domaine de Nauzhror. Pas qu’elle ressente le besoin de s’expliquer ou de se justifier, non, elle sent juste qu’ici c’est chez elles et que les Sanguinaires sont ses alliés.

C’est les gosses de mon frère…J’les garde pas longtemps, c’est provisoire, j’attends que quelqu’un d’autre vienne les chercher. Il peut plus s’en occuper, il va aller se faire étriper à la guerre parce que c’est un gros abruti d’Ecossais plus bourrique que les vraies mûles.

Oui, bon, niveau confidences on fait mieux mais c’est toujours un progrès. Mince mais un progrès quand même…

Quelques mots de Sarah et voici que des mioches sortirent de la chambre. Oh secours des mioches de partout vraiment partout pensa-t-elle et même si ils étaient par nombreux les gamins lui faisaient toujours cet effet. Au début elle pensait que c'était ceux de Sarah mais après ces explications il semblerait que non. A son frère, elle aurait un frère, sil il a son caractère cela devait donner lors de leur rencontre.

Auxane baissa sa garde et laissa sa dague en paix, pour ce moment-ci ce n'était pas utile. Bon elle ne serait jamais douter que par le plus grand des secrets que la brune cachait des mioches dans sa piaule, cependant c'était dommage qu'ils appartiennent à son frère ils auraient pu faire des bons petits esclaves puisqu'il y en avait pas ici.

- A ton frère ! mais sa femme elle fou quoi ? 'fin c'est pas mes oignions je sais mais quand on a des mioches on s'en occupe. Il est parti faire gueguerre pendant longtemps ? au pire dès qu'il revient on lui propose de faire parti de notre troupe dit-elle avec un air d'ange si si ca existe ^^.

Aller faire un tour à la Cour de Miracles avec des mioches pas fameuse comme idée et puis elle serait tellement plus remarquable avec eux, difficile de se faire passer discrètement.

- Heu on fait quoi m'tenant, si on veut faire un tour à la Cour avec tes ... petits ... ça va être mouvementé et si tu les laisses ici ils vont savoir se tenir à carreaux ?

Auxane pensa qu'un bon chien serait plus utile qu'un gosse, au moins le chien peut attaquer, chasser ce que tu dis alors que des morveux ça t'attirent que des ennuies et puis faut les nourrirent c'tte bête alors que le chien ça se démerde comme il peut quitte à bouffer un cadavre, va faire manger un cadavre à un gosse ...

Aller se balader avec Sarah et les gosses, ça aurait plus l'impression de faire la garde"chiots" mais aller se balader seule ça serait ennuyeux ... et puis c'est qu'il faudrait sortir de la Horde sans montrer les mioches à quiconque pas dit que les autres sachent aussi bien tenir leur langue qu'elle, surtout les deux dernières recrues.